En 2003, j’ai eu le plaisir de rencontrer Lorraine Fouchet, lors du Festival Etonnants Voyageurs à Saint-Malo. Suite à cette rencontre, j'ai découvert son écriture à travers deux de ses livres « L'Agence» et « 24 heures de trop». Quelques années plus tard, à l'occasion de ma récente lecture de « La mélodie des jours », j'ai souhaité lui poser quelques questions sur son parcours, et son métier. C'est avec entrain, et disponibilité, qu'elle a accepté de répondre. Je suis contente de partager avec vous ce moment, où l'auteure nous permet d'en savoir un peu plus, sur son Univers...
Ma librairie virtuelle : Bonjour, pouvez-vous nous expliquer comment, et pourquoi, vous avez choisi l’écriture, après avoir exercé la médecine ?
Lorraine Fouchet : J’ai toujours écrit, enfant, parce que j’étais fille unique et que le soir à la maison je n’avais plus que des amis de papier, ceux des histoires que j’inventais. Mon père, dont j’étais infiniment proche, a eu un infarctus un mois après mon bac, j’avais 17 ans, je lui ai parlé au téléphone, il a regretté que je ne fasse pas médecine, il est mort le lendemain… alors j’ai fait médecine, pour lui. J’ai exercé pendant 15 ans la médecine d’urgence, SOS Médecins, SAMU, Europ Assistance, tout en écrivant et en publiant des livres. L’année de mes 40 ans, j’ai rédigé le certificat de décès de Marguerite Duras, ce qui a été un moment infiniment chamboulant… et on m’a proposé au même moment de scénariser mon livre « De Toute Urgence » sous forme de deux films pour France 2. Alors j’ai définitivement posé mon stéthoscope.
Mlv : Sur la scène littéraire actuelle, quelques auteurs (P. Bauwen, J.C. Rufin, T. Serfaty, M. Winckler…) viennent du monde médical. Le médecin trouve t-il une autre façon d’exercer -et soigner- en devenant auteur ? Ces deux métiers possèdent-ils des points communs ?
L. F. : Quand on évolue dans ce monde médical si étrange où on côtoie la vie et la mort, on sait que chaque minute est rare et unique, on est habitué à l’adrénaline et aux émotions, on a envie de changer la donne, de ressusciter les disparus, de revisiter les maisons de notre enfance, de modifier la réalité… de raconter, créer, faire vibrer. Il nous suffit alors d’un geste, un petit clic de souris d’ordinateur, pour vous inviter dans nos suspenses, vous initier à nos secrets, vous faire plonger dans le dessin. C’est une revanche sur la souffrance et la mort, un jeu, un verre de champagne, un défi, une musique magique.
Mlv : Deux de vos livres viennent de sortir simultanément : « La mélodie des jours », chez J’ai Lu, ainsi que « Couleur Champagne », votre nouveau roman, chez Robert Laffont. Pouvez-vous nous présenter ces deux histoires ?
L. F. : COULEUR CHAMPAGNE vous emmène dans les coulisses du champagne à travers le Journal intime d’Eugène Mercier, un petit garçon du XIXe siècle. Caché dans les caves Mercier pendant un siècle, ce Journal vous raconte l’histoire incroyable mais vraie de mon arrière arrière grand père qui a réussi le rêve fou de démocratiser le champagne pour le faire goûter à tous les hommes. Chaque fois que nous débouchons une bouteille nous la lui devons ! J’y ai ajouté une fiction avec un mystérieux secret de famille, un suspense, un cadavre dans les caves Mercier, ça parle d’amour, d’amitié et de fidélité, de montgolfières et d’Apollo 13, du monde des sourds, ça vous donne soif. Voici le lien avec la vidéo et le widget, vous pouvez lire les 20 premières pages en double-cliquant puis en agrandissant au mode plein écran sur
http://fr.calameo.com/read/00091354462b919980f9e
Dans LA MELODIE DES JOURS, Lucie, maman célibataire d’une petite Léa de onze ans, apprend qu’elle a un cancer du sein et choisit de le cacher à sa fille, mais comme c’est trop lourd à porter seule, elle se confie au site Internet des Voisins en se cachant derrière un pseudo. J’ai écrit cette histoire parce que ma meilleure amie a eu un cancer du sein, j'ai cherché pour l’aider et l’épauler un livre positif qui lui fasse du bien sur le sujet. Je ne l'ai pas trouvé. Alors je l'ai écrit pour elle et toutes les autres. Fraternel, optimiste et musical, il aide, vraiment. Ce n’est pas du tout un livre triste, même si le sujet est sérieux, au contraire, il est plein d’espoir, de musiques et de petits bonheurs.
Retrouvez les personnages du roman sur : www.sitedesvoisins.fr
Mlv : Dans « La mélodie des jours », la musique sert de lien entre deux de vos personnages. C’est une aide précieuse pour Lucie, votre héroïne, dans son combat quotidien. Sur votre blog, chaque roman a sa playlist, quel rôle joue celle-ci lorsque vous créez un nouveau roman ? Est-ce l’écoute d’une musique qui vous inspire une histoire ? Ou bien une histoire à laquelle vous donnez vie, appelle-t-elle certaines musiques, naturellement ?
L.F. : Je suis totalement accro à mon Ipod, j’adore prendre le métro ou promener mon chien à Paris ou à l’île de Groix ou à Rome avec mes écouteurs, variété française, RnB, jazz, comédies musicales (j’ai fait des claquettes longtemps), Didier Squiban, Lorena McKennit, la chanteuse italienne Mina. Il y a 3 ans, en écrivant La Mélodie Des Jours, j’ai découvert l’art lyrique et la musique classique, les notes m’ont envoyé des SMS directement à l’âme.
Pendant les périodes où j’écris, certaines musiques s’imposent, je les écoute en boucle, comme cet hiver « Ton Héritage » de Benjamin Biolay.
Je suis balance ascendant balance, je suis bonne en diplomatie, nulle pour les colères, les explications, les ruptures, les engueulades. Je préfère partager. Alors je partage mes musiques. Mais je ne peux pas écrire et travailler en musique. Elles me submergent et me bouleversent avant ou après, jamais pendant.
Mlv : Existe-t-il un lien entre « Couleur Champagne » et « Château en Champagne », l’un de vos premiers romans ?
L.F. : Le lien, c’est la famille. Quand j’étais petite ma grand-mère me parlait de son grand-père champenois Eugène Mercier. Quand elle a disparu j’ai écrit « Château en Champagne », l’histoire, complètement inventée, d’une grand-mère qui laisse par testament à ses 3 petites-filles sa maison en Champagne, à charge pour elles d’y cohabiter pendant plusieurs mois, ce qui va changer leur existence.
Des années plus tard, je me suis dit qu’il était temps de raconter aux lectrices la vraie histoire d’Eugène, en y ajoutant une fiction de mon cru. Et j’ai plongé dans « Couleur champagne » parce qu’il était temps, enfin. S’il y a un paradis et qu’il y existe des librairies, j’espère que ma grand-mère le lira.
Mlv : Le changement de vie, la seconde chance et le temps, font partie des thèmes présents dans vos livres, pourquoi ?
L.F. : Parce que j’ai moi aussi changé de vie en lâchant la médecine pour l’écriture, c’était déraisonnable, risqué, savoureux, merveilleux, délicieux. Je ne regrette pas une seconde d’avoir exercé la médecine d’urgence. Je ne regrette pas une minute d’avoir changé de vie. Si c’était à refaire, je signerais pour les deux. La vie est trop courte pour ne pas sauter dans toutes les flaques d’eau, si on éclabousse, c’est qu’on vibre !
Mlv : Pouvez-vous nous expliquer comment vous travaillez au quotidien ?
L.F. : Quand j’étais médecin à SOS, je me levais à 6h pour foncer sur l’autoroute, alors maintenant je me lève à 9h. Je bâtis mon histoire pendant 3 mois. J’écris pendant six mois, toute la journée, matin et après-midi. Je pars souvent en dédicaces en province dans des salons du livre où je retrouve des lectrices connues et où j’en rencontre de nouvelles (il y a plus de femmes que d’hommes qui lisent des romans). Ensuite, pendant 3 mois, je relis, je corrige, je jette, je réécris, je corrige, je peaufine, je souris, je m’énerve, je trouve ça bien, je trouve ça nul, je trouve ça fou, je ne sais plus. Et un jour, j’ai le sentiment profond que c’est fini, que l’histoire existe, que les personnages ont une réalité, une harmonie qui leur est propre, que je ne ferai pas mieux. Alors je lance la bouteille à la mer en envoyant le texte à mon éditeur. Je respire un grand coup. Et je pense à mon prochain livre.
J’ai mis 2 ans pour écrire « Couleur champagne », à cause de la documentation historique et locale nécessaire. C’était long, wow…
Un écrivain a sa maison sur son dos comme un escargot, je peux écrire à Paris, en Bretagne, en Italie, j’ai juste besoin de mon ordinateur Mac portable et d’un accès Internet. Et j’ai toujours un petit carnet et un crayon Ikéa dans ma poche. J’achète tous mes carnets porte-bonheur à Groix.
Mlv : Que faites-vous lorsque vous n’écrivez pas ?
L.F. : Je me jette sur tous ces merveilleux romans qui m’attendent posés en joyeuses piles par terre et je les dévore. Je navigue entre Paris, l’île de Groix et Rome. Je vais au cinéma, je regarde des séries comme Dr House, Grey’s Anatomy, Cold Case ou Les Experts, je vais saluer l’océan, je joue avec mon cocker noir et blanc Uriel qui a le nom d’un archange celtique, je réponds à ceux qui m’écrivent sur Facebook ou mes 2 sites Internet, je surfe sur le web, j’organise un voyage, je fais les courses, je craque pour une assiette bleue ou un verre jaune ou des Converse rouge, je repense à l’époque où je sillonnais Paris nuit et jour dans ma voiture blanche avec gyrophare bleue pour SOS Médecins, je me souviens des absents qui m’ont cabossé le cœur, j’élabore la structure de mon prochain livre, je le raconte à mon éditeur… et je me remets à écrire parce qu’à part le soufflé au fromage, je ne sais faire que ça.
Je tiens à remercier Lorraine Fouchet pour ce moment privilégié, ainsi que pour sa disponibilité, et vous invite à découvrir son blog, ses romans... et d'aller à sa rencontre -pour celles et ceux qui iront au Salon du Livre de Vannes le 23 et 24 juin prochain, car elle y sera présente !
A noter qu’un ancien titre de Lorraine Fouchet « Le chant de la dune », sortira au mois de juin prochain, dans une nouvelle collection...
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